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Info 1

L'information en continue sur www.bafou.org

Fanews by Faboba

LE JOUR OU LE GROUPEMENT BAFOU RETINT SON SOUFFLE

Le 27 mars 1995, le Chef supérieur Victor Kana III, fraichement monté sur le trône de la dynastie des Fo’o-Ndong à Bafou, avait failli passer de vie à trépas sous l’action d’un de ses oncles, Piah-Noh, de sinistre réputation.

En effet, arrêté le 30 Avril 1994 et conduit au la'akem pour son séjour d’initiation et de formation, Victor Kana, appelé Menkem, deviendra Fo’o-Ndong, Roi des Bafou, le 28 janvier 1995, date de sa sortie du la'akem. Mais, le 27 mars 1995, soit 58 jours seulement après cette sortie, le nouveau Roi sera confronté, avec son peuple, à une dure épreuve qui les marquera au fer rouge. Malgré cela, en 2014, à l’occasion de la commémoration de ses 20 ans sur le trône des Fo’o-Ndong, le jeune monarque fera cette déclaration pleine de sagesse :

 

« Après une vingtaine d’années passées à la tête du groupement Bafou, j’ai beaucoup mûri… Et du fond de mon cœur, je prie le Bon Dieu de pardonner à celui ou à ceux qui ont voulu attenter à ma vie en ce fameux 27 mars 1995 où j’ai été victime d’une agression barbare à l’arme blanche de la part d’un de mes administrés. Pardonner c’est difficile. Mais lorsqu’on pardonne, on a de la valeur devant le Tout-Puissant, et devant les hommes. Nos parents ont appelé cela « E’ntsak ». Si nous apprenons à nous pardonner mutuellement, nous serons un peuple encore plus fort, et beaucoup plus redouté.

Je dédie ces vingt premières années de règne à tout le peuple Bafou. Hommes et femmes, grands et petits, chacun d’entre nous a su apporter sa pierre à la construction de ce grand et beau groupement qu’est Bafou.

Que le Dieu de nos ancêtres vous bénisse! ».

C’est dire que, le Roi de tous les Bafou a pardonné, même s’il n’a pas oublié. Nous non plus, d’ailleurs.

Nous sommes aujourd’hui au mois d’avril 2022, soit 27 ans après ce coup du 27 mars 1995. Comme devoir de mémoire, votre journal en ligne www.bafou.org a décidé de vous faire revivre cet épisode funeste de l’histoire de notre groupement.

Et pour le faire, quoi de plus normal que de solliciter certains acteurs de cet évènement encore vivants aujourd’hui ! Nous avons ainsi fait appel à Moho-Lekouet Donkeng Cosmas, bien connu de nos lecteurs, et dont le récit s’articule autour des points suivants :

A.)- La tentative d’assassinat à laquelle personne ne s’attendait.

B.)- L’identité du dénommé Piah-Nôh.

C.)- L’opération «Sauvetage du chef supérieur Bafou»

D.)- En guise de conclusion : Les leçons de la tentative d’assassinat du 27 mars 1995

Suivons Moho-Lekouet dans ce qu’il a à nous dire ci-dessous !

Guy Mathurin Nguezet

Pia'a Noh 

Avant toutes choses, Moho-Lekouet tient à préciser à l’attention de nos lecteurs que le travail dont la quintessence leur est servie ci-dessous est tiré d’un projet de livre dont la parution est éminente et qui a pour but d’édifier les générations actuelles et futures sur certains des nombreux pans de l’histoire au quotidien de notre village. Et relativement à ce projet d’ouvrage, plusieurs personnes, originaires de Bafou et d’ailleurs, y ont apporté des contributions multiples que le trio, constitué de Moho-Lekouet Donkeng Cosmas lui-même, de Assob Ndoungué Noupouwo Eric-Geraud et de Fo’o-Miatchuet Jiotsa Jean Gallo, s’est chargé de compiler et de mettre en forme.

A)- La tentative d’assassinat à laquelle personne ne s’attendait

              Au petit matin du lundi 27 mars 1995, un prince du nom de Tsafack François, qu’on appelait Piah-N’ôh, frère consanguin du feu chef Dr Paul Kana II et oncle de Victor Kana III, se présente au Palais de la chefferie supérieure et dit à Nguimenang Ludovie, une épouse du Chef qui était occupée à faire le ménage dans la salle de réception, qu’il voudrait parler au Chef. Il n’a pas éveillé la méfiance de celle-ci puisqu’il était un habitué de la Cour.

              Ludovie entre donc pour l’annoncer au chef et après, elle descend pour aller vérifier dans sa cuisine si tout allait bien avec la marmite qu’elle avait laissée au feu, laissant ainsi le visiteur seul. Mais, dès que le chef sort de ses appartements privés, en lieu et place du message à transmettre, son oncle va plutôt sortir une machette qu’il avait limée et dissimulée dans l’ample boubou blanc qu’il portait. Il lui assène plusieurs coups sur la tête et sur le visage. Après une rude bagarre, (les cicatrices que Sa Majesté porte sur le crâne, sur le visage, sur l’avant-bras droit, sur la paume de la main gauche, etc… en sont la preuve éloquente et palpable), le Chef va s’écrouler au milieu de la porte, la tête et le tronc dehors et le reste du corps à l’intérieur.

              Ludovie, qui revenait de la cuisine, trouve Piah-N’ôh en train de lui assener les derniers coups de machette. Elle pousse alors des cris et des pleurs qui vont attirer l’attention des autres épouses du chef ; lesquelles, dans un puissant concert de cris, vont ameuter la population du voisinage du Palais.

            Son forfait commis, Piah-N’ôh va prendre la direction du La’akem où il rencontre papa Janvier Fotem, le serviteur (Tchoh’ fo’o) que le chef avait commissionné auparavant. Il lui assène plusieurs coups de machette, lui arrache les clés et va tout droit vers les appartements du La’akem, où il va essayer en vain d’ouvrir une porte. Après avoir jeté les clés par terre, il va chercher à se cacher et ne trouve de mieux derrière le Palais royal qu’un puits asséché où il va chercher à se dissimuler.        

C’était peine perdue car la population en furie engagée à ses trousses va rapidement le retrouver.  Ayant tenté en vain de l’en sortir, elle va mettre le feu au-dessus du puits et Piah-N’ôh meurt par étouffement.

            A l’aide des cordes, le corps du criminel est enlevé du puits, tiré par terre  avant d’être brulé à l’entrée de la chefferie. Les éléments de la Brigade de gendarmerie de Nkong-Ni, accourus sur les lieux n’ont pas pu contenir la colère et la rage de la foule. Le bûcher dressé pour Piah-N’ôh sera alimenté pendant toute une semaine par le bois apporté par les Bafou venant de divers horizons. Tous n’avaient qu’une seule idée en tête : tuer cet esprit maléfique qui avait osé essayer de tenter de mettre prématurément un terme à un règne qui se présentait pourtant sous de meilleurs auspices.

            Piah-N’ôh n’a pas eu de sépulture, ses cendres ayant été éparpillées aux quatre vents. Le « testament » de Piah-N’ôh trouvé dans ses poches avant son incinération, et retranscrit ci-dessous, permet d’avoir une idée sur le pourquoi de son acte.

            Quant à Papa Janvier Fotem, le serviteur du Chef (Tchoh’ fo’o), il va succomber à ses blessures à l’hôpital de district de Dschang quelques heures après son agression.

B) - L’identité du dénommé Piah-Nôh et les motivations de son acte de barbarie

            Qui était Piah-N’ôh ? Et quelles étaient les motivations de son acte ? De son vrai nom Tsafack François, il était un prince de la chefferie supérieure Bafou, né de Fo’o-Ndong Ngouadjeu Jean de regrettée mémoire, et frère consanguin de feu le roi Dr Paul Kana II. Il se raconte qu’un jour, dans son enfance, pendant que son père se chauffait au soleil assis sur un tabouret traditionnel en bambou sans dossier appelé "Mêpo’oh" en Yemba, le gamin Tsafack François prit un caillou et le lança sur le dos de son père en disant : « On t’appelle Na’h-temah ("animal sur lequel on ne doit pas tirer"). Et si on te lançait quelque chose dessus, qu’arriverait-il ? » Les serviteurs du chef, témoins de la scène, se mirent à le poursuivre pour lui donner la correction qu’il méritait. Mais le chef leur dit : « Laissez-le ! S’il est fou, c’est mon fou ! C’est le fou de la chefferie ». D’où le sobriquet de Piah-N’ôh « fou de la chefferie » qui lui fut donné par son entourage et qu’il accepta sans scrupules puisqu’il s’est lui-même attribué par la suite, le titre de « Fo’o me pia » ou « chef des fous ».

            Quand Fo’o-Ndong Ngouadjeu Jean meurt en 1959 et est remplacé par Dr Paul Kana II quelques années plus tard, le même « fou de la chefferie » menaça ce dernier en ces termes : « J’étais bâti comme un meuble, grand et fort comme notre père, on ne m’a pas mis sur le trône des Bafou. On a confié le pouvoir à un nain comme toi. Tu ne mérites pas cette place. C’est moi qui devrais être chef à ta place». Avec la répétition de ces menaces, doublée de nombreux autres actes répréhensibles de Piah-N’ôh perpétrés au préjudice de la population, parce qu’il se disait « prince intouchable né sur une peau de panthère », Dr Kana Paul dut aller se plaindre auprès des autorités judiciaires de Dschang qui condamnèrent Tsafack François à une peine d’emprisonnement. Quelque temps après, ayant vécu le cas de Tédensiah, un autre prisonnier originaire de Bafou, qui trompa la vigilance de ses geôliers et s’évada de la maison d’arrêt de Dschang pour aller nuitamment à Bafou mettre le feu à la concession de Nkemloh dont il assassina plusieurs femmes, les autorités de Dschang jugèrent prudent d’éloigner Piah-N’ôh. Ainsi, il fut transféré de Dschang à la prison de Yoko où il passera plusieurs années.

            Lorsque le corps de Piah-N’ôh fut retiré du puits asséché, on trouva sur lui des documents qui peuvent être considérés comme étant son « testament ». Encore dans leur forme manuscrite, ces documents avaient été photocopiés et distribués à tous ceux qui étaient de passage à Bafou au lendemain de l’agression sauvage qu’il avait perpétrée sur le Roi. La transcription faite a été très laborieuse du fait de l’écriture de son auteur. Ces documents étaient constitués de deux manuscrits de quatre pages.

A la mort de son père Fo’o-Ndong Ngouadjeu Jean, Piah-N’ôh avait bel et bien reçu comme héritage un terrain qu’il s’était dépêché de vendre et de dilapider l’argent perçu. Selon les informations recueillies auprès de la famille royale, ce terrain se trouvait à Ndogni et l’acheteur de la parcelle est bien connu. Toujours imbu de sa qualité de « prince né sur une peau de panthère », il a commencé à harceler le chef Dr Paul Kana II pour réclamer une autre parcelle qu’on ne pouvait d’ailleurs pas lui donner. C’est pour cela qu’après la mort de Kana II, il s’est rapproché, tout sucre tout miel, du jeune Kana III pour tenter de l’amadouer et de le tromper. Mais les « pères du chef » (Moho-Fo’o) ont veillé au grain en restituant la vérité au jeune monarque qui ne s’est pas fourvoyé.

C)- L’opération « Sauvetage du chef supérieur Bafou »

      La mobilisation de la famille royale, du peuple Bafou et de ses amis pour sauver le Chef Supérieur a spontanément commencé à la chefferie même.

Pia'a Noh

C 1.)- Les premiers gestes décisifs

            Le hasard avait voulu que l’ami de toujours du Roi, le prince Soufo’o-Ndong Kana Patrice soit au village au moment des faits. Ayant constaté que le Chef perdait énormément de son sang, il a couru chez l’une de ses mamans de la chefferie, la nommée Nkong-Fo’o, ramasser un pagne qu’il a déchiré pour faire un garrot sur le bras du chef, malgré l’interdiction du serviteur Isaac qui disait qu’on ne devrait pas toucher au chef.

            Puis, il a réquisitionné un pick-up de passage, non loin du baobab de la place des fêtes de la chefferie supérieure Bafou et l’a fait décharger de son contenu, à savoir des casiers de bières et des paquets de nourriture (me pfouh) qu’il transportait pour une cérémonie prévue quelque part dans le groupement. Il l’a emmené à la chefferie afin de porter le chef blessé et le conduire à la Fiangep Polyclinic du Dr Leke Asong Wilson à Dschang. Ce véhicule, de marque Toyota et de couleur blanche, immatriculé LT-0904-G, avait à son bord deux personnes, notamment le chauffeur Hamadi Isidore, et Madame Tsagueu Jeannette, épouse de Mang-Fô Jeutang Louis, tous deux membres de la famille du Ministre Fo’o Nkong-Ni Dr Fogui Jean-Pierre, par ailleurs propriétaire de ladite voiture.

            Le chef supérieur Bafou va être installé à la cabine, soutenu par un monsieur qui était à l’époque magasinier de la coopérative (CAPLAME), et dont nous n’avons pas pu avoir le nom. Kana Patrice, accompagné de son frère Kana André Michel et de maman Dongmo Jeannette de regrettée mémoire, étaient installés sur la plate forme arrière du pick-up.

            A la Fiangep polyclinic de Dschang, où avait accouru une foule immense, se trouvaient l’Honorable Nkem Mbeuêh Ngong Teinkela Jean et le Pharmacien Maire Tsobgny Panka Paul, tous deux de regrettée mémoire. L’état du malade avait tellement inquiété le Dr Assong qu’il a demandé qu’on fasse entrer un membre de la famille. Le prince Soufo’o Kana Patrice s’est présenté. Dr Assong lui a remis une paire de ciseaux et l’a chargé de débarrasser Sa Majesté de tous ses vêtements avant tout soin. Patrice a découpé l’ensemble « saillon pagne » maculé de sang que portait le chef et lui a aussi retiré ses bijoux (montre, bague, chevalière, gourmette, chaine...) qu’il a gardés par-devers lui jusqu’à son retour de France.

            Quand Dr Assong va demander du sang, c’est toute la population présente devant la clinique qui va se ruer à l’intérieur de la clinique pour contribuer au sauvetage du malade. Bafou et non-Bafou, riches et pauvres, hommes et femmes, chacun voulait donner de son sang pour sauver le roi des Bafou, ce jeune roi si aimé et si apprécié.

            Après les premiers soins d’urgence et face à la gravité du cas, le Dr. Leke Assong émet l’idée que le chef soit rapidement évacué sur un hôpital plus équipé. Véritable don du ciel, il est signalé qu’un petit avion bimoteur ou Twin-otter de la Société S.I.L. est en mission à Bamenda. Le Président Teinkela Jean appuyé par les autorités administratives, a sollicité et obtenu que le blessé, déjà inconscient, soit immédiatement transporté à l’Hôpital Général de Yaoundé où une forte équipe de sommités médicales, dont  le Pr Valentina, s’est occupée de lui. L’opération subie par le chef a duré de 20h à 5h du matin car selon les médecins, il avait 13 factures sur le crâne sans compter de graves blessures au visage et aux avant-bras.

C.2)- L’opération financière de sauvetage

La toute première quête faite à la polyclinique Assong par les Bafou et sympathisants a donné 247.000 francs desquelles 200.000 francs ont été dégagés pour payer le transport du blessé par avion de Dschang pour l’Hôpital Général de Yaoundé.

Dès son entrée à l’hôpital Général dans la soirée du 27 mars 1997, 29 personnes ou groupes de personnes ont spontanément cotisé 1.294.860 francs. Ce mouvement de sympathie va se poursuivre en s’accélérant grâce à la mise sur pied par Fo’o Nkong-Ni Dr Fogui Jean Pierre, en sa qualité de Vice-Président du CEBA (Cercle des Elites Bafou) de Yaoundé, d’un « Comité National de Suivi » de l’« opération sauvetage  du chef». Cette petite phrase de Fo’o Nkong-Ni Dr Fogui Jean-Pierre sur le billet d’invitation à la toute première réunion de ce comité le 4 avril 1995 est restée célèbre : « Lorsque le destin d’un peuple est menacé, il vaut mieux se tromper que de se taire ». Le bureau national mis en place était constitué de :

-       Président : Fo’o La’a-Chui Djouaka Henri de regrettée mémoire

-       Vice-Président chargé de Yaoundé et ses environs : Fo’o Nkong-Ni Dr Fogui Jean Pierre

-       Secrétaire Général : Fo’o Djotsa Joseph de regrettée mémoire

-       Trésorier : Poufong Etienne

-       Commissaires aux comptes : Moho-Lekouet Donkeng Cosmas et Kana Paul.

-       Cellule médicale : le chirurgien Pr Takongmo Samuel, le neurologue Pr Dongmo Louis et tous nos autres médecins et pharmaciens.

Dans presque toutes les villes du pays, on verra spontanément naître des cellules de l’opération sauvetage. Les recettes encaissées et l’utilisation qui en a été faite se trouvent résumées ci-dessous.

Dans un contexte aussi grave, la regrettée Ma’a Mêfo’o Nkong-La’a Foning Françoise, à qui nous devons une fière chandelle, va user de tous ses pouvoirs et de tout son poids politique pour obtenir du Chef de l’Etat, la prise en charge intégrale sur le budget de l’Etat, des frais de l’évacuation du roi des Bafou sur un hôpital parisien. Il a d’ailleurs été dit qu’il s’agissait d’un « accident de travail », car le chef avait été agressé dans l’exercice de ses fonctions de chef traditionnel, auxiliaire de l’Administration. Un montant total de 44.489.300 francs CFA a été globalement dégagé par le Ministère des Finances.

Comme un autre don du ciel, un fils Bafou, en la personne de Moho-Lekouet Donkeng Cosmas, était en ce moment précis, Fondé de Pouvoirs à la Paierie Générale du Trésor (Ministère des Finances) de Yaoundé, et justement à la tête des services chargés de régler ce genre de dépenses. Il a fait toutes les diligences pour qu’on ne connaisse aucun retard dans les paiements. Le ciel doit en être loué.

Certaines dépenses urgentes, comme le règlement des factures de l’Hôpital Général de Yaoundé (hospitalisation, soins et produits pharmaceutiques) et l’achat des billets d’avion ont été préfinancées par les fonds personnels du Président du C.N.S., Fo’o La’a Chui Djouaka Henri de regrettée mémoire. Cela devrait se savoir et être aussi félicité.

Il serait fastidieux de reproduire ici les listes de toutes les contributions, encore moins celles des villes ou localités donatrices. On peut cependant souligner que le 11 avril 1995 au foyer Echio-mêdzong de Yaoundé, le petit Kenfack Mbougue Thierry, âgé de 6 ans seulement, a apporté sur la table des cotisations 110 francs (l’argent de ses beignets du lendemain, sûrement !), pour contribuer au sauvetage de son Roi. On peut aussi signaler que M. Mbabe Assala Michel Hervé, Inspecteur Principal du Trésor originaire du Mbam et Inubu, Fondé de pouvoirs à la Trésorerie Générale de Yaoundé, a versé 15.000 francs pour sauver ce Chef qu’il ne connaissait même pas, mais dont tout le monde parlait. C’est dire que cette opération a enregistré les contributions des Bafou et des non Bafou de partout dans la République et même à l’extérieur. 

Au soir du 13 avril 1996, la situation financière de l’opération sauvetage était la suivante :

Recettes:

a-   Cotisations des Bafou et non Bafou : 19.463.315

b-   Contribution de l’Etat du Cameroun : 44.489.300

     Soit au total : 63.952.615

Dépenses:

a-   Dépenses à l’intérieur du Cameroun: depuis la clinique Assong jusqu’à l’évacuation : 13.618.746

b-   Dépenses à l’extérieur du Cameroun :   40.267.557

     Soit au total : 53.886.303

Le solde :

63.952.615 – 53.886.303 = 10.066.312 qui étaient  disponibles et géographiquement logés à cette date-là aux lieux suivants :

§   Yaoundé : 5.659.174 FCFA,

§   Dschang : 185.395 FCFA

§   France : 4.221.312 FCFA

Selon le rapport des commissaires aux comptes, l’argent  se trouvant à Dschang et à Yaoundé a été affecté à la couverture de certains actes coutumiers effectués par les notables de la Cour royale (Moho Fo’o) et les membres des sociétés secrètes, aux travaux du Palais, à la scolarité des enfants du Chef, au salaire des ouvriers, du chauffeur et des gardiens, aux factures d’électricité et d’eau à Dschang et à la chefferie et aux préparatifs du retour du Chef.

Les 4.221.312 se trouvant en France ont servi à l’achat des lunettes du chef, à la couverture de certains de ses besoins de convalescent et surtout au règlement des factures de la chirurgie plastique qui a permis de faire disparaitre les chéloïdes qui se signalaient déjà sur certaines blessures en cours de cicatrisation.

            C 3)- Le séjour médical de Fo’o Ndong Kana III à Yaoundé

La communauté Bafou de Yaoundé a joué un rôle central dans les opérations qui ont conduit à sauver la vie du Roi des Bafou après son agression de mars 1995. Au-delà des contributions financières qui sont venues de partout dans le pays et de la diaspora, Yaoundé a, en sus, accentué son action sur le lobbying qui a permis de négocier et d’obtenir le soutien effectif du Chef de l’Etat. Les élites Bafou de Yaoundé ont également pesé de tout leur poids pour l’accélération des formalités administratives dans les services publics intéressés pour que l’argent accordé par l’Etat soit rapidement décaissé. Elles ont mené de façon minutieuse le processus d’évacuation de notre Roi à Paris, ce qui mérite être salué à sa juste valeur. L’action de cet « état major » de Yaoundé a été soutenue par l’inénarrable Ma’a Mêfo’o Nkong-la’a Françoise Foning, une femme politique à la renommée indiscutable, qui est partie de Douala pour peser de tout son poids pour que l’opération soit facilitée auprès des hommes de pouvoir, autorités administratives et financières gestionnaires du dossier de notre Roi.

Sur un tout autre plan, la magie de la médecine a aussi tourné en faveur des Bafou et de leur Roi. En effet, le corps médical de l’hôpital Général de Yaoundé s’est mobilisé comme un seul homme pour sauver notre précieux Roi, comme le demandaient le peuple Bafou et ses amis au Bon Dieu.

Quels sont les acteurs qui ont intervenu médicalement sur notre Roi à l’hôpital Général de Yaoundé ? Qu’ont-ils vu ? Qu’ont-ils fait ? Nous avons eu la chance de rencontrer un des médecins qui faisait partie de l’équipe médicale à l’hôpital Général de Yaoundé en la personne du Dr Jean-Jacques Pagbe aujourd’hui de regrettée mémoire, et qui a bien voulu nous faire le témoignage que nous vous présentons ci-dessous :

« Je me souviens encore de cet événement comme si c’était hier. Nous sommes aujourd’hui le 28 mars 2015. Il y a 20 ans jour pour jour, un hélicoptère venait d’atterrir sur le tarmac de l’héliport de l’Hôpital Général de Yaoundé le matin du 28 mars 1995.

En ma qualité de Chef Service des Urgences, mon équipe et moi avons reçu avec célérité un grand blessé dans un état comateux. Il s’agissait d’un homme de grande taille, la tête recouverte de bandages avec aussi d’autres bandages aux bras. Il fut transféré aux soins intensifs où une équipe multidisciplinaire le prit en charge. Elle était composée de :

·      Chirurgiens : Pr Valentina, Dr Pagbe Jean Jacques

·      Anesthésistes : Dr Biouele Meva’a Jean Moïse, Dr Niat Georges, Dr WamboSimo Moïse

·      Radiologue : Pr Juimo Alain Georges

            Et une équipe d’infirmiers :

·      Mesdames: Ewane M. (Major), Bakary A., Ndzoya O., Nlozoa A., et Atanga G.

·      Messieurs : Eteme P., Tetgoum A., Dassi J., Ngwe B., Wegne P., Ngono E., Feu Ngamga J.,  Yonga Y.

            Divers bilans d’urgence furent réalisés : laboratoire, radiologie du thorax et des membres, scanner cérébral.

Le diagnostic de commotion cérébrale fut posé avec de nombreuses plaies crâniennes, fractures du crâne et des plaies multiples des bras et des mains.

Des soins chirurgicaux et médicaux appropriés lui furent administrés avec diligence et un suivi rapproché à l’Unité des Soins Intensifs fut mis en marche.

L’évolution a été favorable, notamment sur le plan de la prise de conscience.

Nous avons été agréablement surpris par la mobilisation de sa famille et surtout des élites de son village. Je citerai sans être exhaustif : Mme Foning Françoise, que je rencontrais pour la première fois. M. Zambou Zoleko, Secrétaire Général adjoint des Services du Premier Ministère et Dr Fogui Jean Pierre, chargé de mission à la Présidence de la République.

Je les recevais surtout en mon autre qualité de Directeur Médical et Technique et donc, de coordinateur des soins. La famille avait sollicité son évacuation sanitaire en France. Celle-ci n’avait pas suivi les canaux habituels, grâce à l’engagement, à l’incroyable entregent de Mme Foning, qui avait réussi à mobiliser la République en quelques jours. C’était du jamais vu.

M. Kana Victor partit de l’hôpital Général dans un état amélioré, accompagné par le Dr Wambo, Anesthésiste-Réanimateur. C’était le 11 avril 1995, par vol spécial médicalisé.

J’en profite pour remercier mes collaborateurs, dont la plupart sont aujourd’hui retraités, pour leur disponibilité et la qualité de leurs soins, ensuite la famille et tout le peuple de M. Kana Victor qui ont fait montre d’une solidarité exceptionnelle autour de leur roi. C’était une grande première à l’Hôpital Général de Yaoundé.

J’adresse enfin mes chaleureuses salutations et celles de tout le personnel de l’hôpital Général à sa Majesté Kana Victor qui a survécu à ses blessures graves.

Nous lui souhaitons encore longue vie et que Dieu le bénisse.

Dr Jean Jacques Pagbe

Chirurgien cardiovasculaire et thoracique,

Hôpital Général de Yaoundé ».

C 4 )- Le séjour médical de Fo’o Ndong Kana III en France

Après la grande mobilisation qui a abouti à l’évacuation sanitaire du Roi des Bafou à Paris, le relais fut pris par les communautés Bafou et Menoua de la diaspora, notamment celle de France. L’avion spécial qui décolla le soir du 11 Avril 1995, avait à son bord notre Roi accompagné de la reine mère Ma’a Mêfo’o Nkong-la’a Foning Françoise et du Dr Wambo Simo Moïse, mis en mission spéciale par le gouvernement de la République. Le Roi fut interné à l’hôpital de La Pitié Salpêtrière, un des plus grands hôpitaux de Paris. L’équipe médicale qui l’a reçu était placée sous la coordination du Dr Thierry Faillot.

La question que nous nous posons est celle de savoir ce qui s’est passé une fois le Roi arrivé en France. Pour y répondre, nous avons réussi à contacter par téléphone le Dr Thierry Faillot qui a cependant refusé de témoigner en invoquant le principe sacro-saint du secret médical qu’il ne pouvait violer. Il ne nous restait plus qu’à solliciter le témoignage des personnes ci-dessous qui ont côtoyé Sa Majesté pendant ce séjour médical en Hexagone.

Pia'a Noh

Hôpital de la Pitié Salpetrière de Paris

Témoignage du Prince Souh Fo'o-Ndong Kana Patrice.

Pia'a Noh

Je commencerai tout d'abord par rendre grâce au Seigneur Tout-Puissant, pour la vie qu'il a su accorder à mon frère, ami et père, Sa Majesté Victor Fo'o Ndong KANA III. Il revient de loin, il revient de très loin même, il est un véritable miraculé !

Le vendredi 26 mars 1995, jour des résultats scolaires marquant le début des congés de Pâques, mon ami, frère et père est venu me prendre à Dschang pour le village. Comme à l'accoutumée, nous avons fait la fête autour d'un somptueux repas à nous servi par les reines mères et agrémenté par de la boisson et de la bonne musique jusqu'à très tard dans la nuit. Nous nous sommes séparés en nous donnant RDV pour le lendemain où nous avions en projet la révision de nos leçons. Parti du grand salon de la chefferie, je suis monté me reposer dans mes appartements privés sis dans la cave du "Bar Fo'o".

(Je dois préciser ici que le Roi et moi, nous préparions le baccalauréat D cette année là et que depuis son accession à la magistrature suprême Bafou, Sa Majesté prenait ses cours à domicile avec des professeurs de la ville de Dschang recrutés dans diverses matières de la classe de terminale).

Avec la fatigue due au fait que je m'étais couché tard la veille, je n'ai été réveillé en ce fatidique samedi matin que par les cris et pleurs qui fusaient du palais royal. Dans un premier temps, j'ai voulu rapidement prendre un bain avant de constater que ces cris venant de la chefferie s'accentuaient et devenaient de plus en plus assourdissants. Rapidement, j'ai versé le contenu ma valise sur le lit et ai pris à la hâte quelques vêtements que j'ai lancés sur moi pour suivre la foule descendant en pleurs vers le palais. Grande a été ma surprise de trouver le corps inerte de mon père étalé par terre et gisant dans une mare de sang. L'atmosphère était rempli des cris des femmes du chef et de la population en pleurs. Croyant mon frère, ami et père mort, beaucoup de choses m'ont traversé l'esprit. Je me suis tout de suite senti faible et paralysé et suis tombé. Tétanisé de terreur, j'ai voulu crier, mais je n'ai pas pu émettre le moindre son et fort heureusement, Sa Majesté elle-même a poussé un grand cri de lion blessé en bougeant sa main droite.

J'ai entendu des voix retentir : ah il est vivant ! Des volontaires ont voulu lui porter secours, mais le serviteur, Isaac, s'est interposé sous prétexte que n'importe qui ne touche pas le chef et n'importe comment.

Une autre voix a dit : trouvez quelque chose pour arrêter l'écoulement du sang sur ses blessures. J'ai senti une force soudaine me pénétrer. Je me suis levé et ai couru en direction de la cuisine de ma mère que j'ai trouvé fermée. J'ai levé la tête et ai trouvé un pagne étalé sur un fil devant la porte de maman Nkonfoh Martine. Je l'ai enlevé du fil et suis redescendu au Palais. C'est après avoir enveloppé sa tête par celui-ci que certains courageux se sont joints à moi pour faire de multiples garrots sur ses bras. Il fallait rapidement l'amener à Dschang dans une structure sanitaire. Malheureusement, le chauffeur était sorti avec la voiture du chef. Avec l'espoir qu'il pourrait être sauvé, je me suis embrouillé dans tous les sens. En tremblant, j'ai fouillé le calepin du chef ; j'ai même pris l'annuaire téléphonique pour essayer de trouver un numéro de téléphone d'une personne à Dschang, mais en vain. On a envoyé des personnes à la recherche de n'importe d'une voiture à la grande place publique (Azaah) de la chefferie supérieure, c'était le cafouillage total. Heureusement, DIEU a envoyé un pickup qui partait, je ne sais où et pendant qu'il était déchargé de son contenu, des personnes sous mon contrôle, ont porté Sa Majesté jusqu'à Azaah auprès de ce véhicule qu'on a fait venir jusqu'à l'entrée de la chefferie, non loin du baobab de la place des fêtes.

Le chef va être installé à la cabine, soutenu par un monsieur qui était à l’époque magasinier de la coopérative (CAPLAME). Mon frère KANA Michel André accompagné de maman Dongmo Jeannette, de regretté mémoire et moi-même, Soufo'o Ndong Patrice Kana, étions installés sur la plate forme arrière du pick-up, direction Fiangep policlinique, chez le Dr Assong.

A la Fiangep polyclinic de Dschang, où se trouvait une foule immense, il y avait l’Honorable Teinkela Jean et le Pharmacien Tsobgny Panka Paul, tous deux aujourd'hui décédés. Très inquiet au vu de la gravité de l'état du blessé, Dr Assong a demandé qu’un membre de la famille entre. Moi, prince Soufo’o KANA Patrice, me suis présenté. Dr Assong m'a remis des ciseaux pour débarrasser Sa Majesté de tous ses vêtements. J'ai découpé soigneusement l’ensemble « saillon pagne » largement couvert de sang et il a procédé sans attendre aux premiers soins d'urgence.

Quelques temps après, le notable Mo'oh Kemena nous ayant retrouvé à la clinique Assong avec le chauffeur du chef, nous nous sommes, avec d'autres personnes de la cour royale, rendus à l'aérodrome de Dschang où le chef devait embarquer dans un petit avion de passage avec Monsieur Élie, l'anesthésiste de l'hôpital de district de Dschang de l'époque.

Mo'oh Kemena a dit que nous devrions suivre Sa Majesté par route et que je devais rentrer à la chefferie chercher les habits du blessé. Le chauffeur Étienne et moi avons pris la route de la chefferie, c'est alors qu'à l'entrée de la chefferie, nous avons eu du mal à passer et on nous a dit que c'était le corps de Piano'oh qui était en train d'être brûlé.

A la chefferie, je n'ai pas trouvé les clés de Sa Majesté et c'est en descendant, à pieds, avec Étienne vers les appartements privés de Sa Majesté que nous avons croisé papa Janvier Fotem qui, avec ses vêtements ensanglantés et tenant son visage fendu de deux mains remontait vers la cour principale de la chefferie. Après avoir essayé de savoir où trouver les clés du chef et ayant fouillé les poches de sa blouse ensanglantée, nous l'avions confié à des personnes et avions continué notre chemin, pour finalement trouvé ces clés sur la porte de la chambre du chef. Je suis entré faire sa valise pendant que Étienne est resté m'attendre au salon et après avoir rejoint les Mo'oh Kemena, avec un calme de cimetière dans la voiture et avec une vitesse incomparable, nous nous sommes engagés sur la route de Yaoundé où nous sommes arrivés très tard dans la soirée et avons pris directement le cap sur l'hôpital général où nous avons trouvé un très grand nombre de l'élite Bafou.

Au petit matin après la répartition, l'oncle du chef Jean Sonfack et moi avons été orientés chez Mo'oh Sa'ah Nguessiet qui nous a amené chez lui à transformateur Ngousso où nous avons séjourné pendant deux semaines, je crois. C'est l'occasion pour moi d'exprimer toute notre reconnaissance à cette famille qui nous a nourri et mis aux petits soins, rendant notre séjour beaucoup moins difficile et douloureux en ces circonstances.

De jour en jour, nous étions rassuré avec le succès des différentes opérations qu'a subi Sa Majesté et la rapidité miraculeuse avec laquelle il se rétablissait.

De temps en temps on avait aussi l'occasion de monter dans sa chambre d'hospitalisation.

Nous étions aux petits soins. Nous mangions et buvions à notre soif et faisions même des sorties de détente certains soirs, grâce à la bonté de cœur et la grande générosité des élites Bafou de Yaoundé et de feu Maffo'o Nkonglah Françoise Foning qui nous dépannaient assez régulièrement.

Je suis retourné à Dschang et ai repris l'école au lycée de Dschang plus de deux semaines après, mais très bien rassuré que Sa Majesté était hors de danger. Je me souviens d'ailleurs de cette femme blanche, le Professeur en médecine Valentina qui n'était pas d'accord pour l'évacuation sanitaire du chef en France en soutenant qu'elle avait déjà sauvé son malade, mais les Bafou voulaient des soins de qualité et de précision pour leur Roi !

Je leur donne raison maintenant, compte tenu du nombre de coups qu'il a reçu sur le crâne et de graves blessures au visage, à la main et aux avant-bras et pour être celui là qui vit Sa Majesté au quotidien, je puis déclarer que les VOIES DE L'ÉTERNEL SONT INSONDABLES car, fort et doté d'une sagesse incomparable, je puis dire sans risque de me tromper qu'il a fallu que Sa Majesté passe par là pour être aussi puissant qu'il est aujourd'hui !

DIEU EST TOUT SIMPLEMENT MERVEILLEUX !!!

 En tant que frère, ami et fils et proche du Roi des Bafou, je rends d'énormes actions de grâce à DIEU, même pour cet incident qui a davantage uni le peuple Bafou et ses multiples admirateurs à son chef supérieur qui est gardé désormais et plus qu'avant comme un œuf.

En retour, Sa Majesté ne se fatiguera jamais de dire merci et c'est d'ailleurs l'occasion de dire à ceux qui pensent que le chef est trop vulgaire au point de participer à des anniversaires que mon père que je connais suffisamment dans la gratitude qui l'a toujours caractérise n'essaie que de retourner l'ascenseur à ce merveilleux peuple.

Pia'a Noh

 

e' Soufo'o Ndong Patrice KANA

F    Temoignage2 : Pierre-Marie Fouegue, Fo’o Men-Kem Noubong

Pia'a Noh

« Grande était ma tristesse quand ma mère m’a appelé pour m’annoncer qu’on a "fermé la bouche" de Moho Kemdoung à la chefferie Bafou. (MohoKemdoung étant notre Têh-Nkap). Nous avons passé la nuit à pleurer en nous demandant pourquoi notre famille à travers ce jeune Chef n’a pas gouverné longtemps.

Le lendemain vers 13 heures en rendez-vous chez un client, mon téléphone a sonné, au bout du fil Mme Foning Françoise (Ma’ah Mêfo’o Nkong-La’a) qui m’a posé la question si c’est moi le Président des Ressortissants Menoua en France. Je lui ai répondu oui, car j’étais à ma troisième année de présidence de l’ARMF (Association des Ressortissants Menoua de France). Elle m’a dit de la retrouver d’urgence à l’hôpital Pitié-Salpêtrière de Paris. Qu’elle est venue avec le Chef Supérieur Bafou qui  a été gravement agressé.

Dès que j’ai appris que le Chef Bafou est arrivé en France et en vie, j’ai remercié Dieu le Tout-Puissant qui détient entre ses mains la durée de chaque vie d’Homme créé à son image. J’ai dit à mon client qu’on reporte le rendez-vous à un autre jour, car je ne pouvais plus tenir debout. Arrivé à l’Hôpital Salpêtrière de Paris, Madame Foning m’a dit que grâce à son forcing, le Chef de l’Etat, son Excellence Paul Biya, a débloqué de quoi soigner notre Roi en France et qu’il est rentré sous X, car on ne sait pas qui est derrière cette agression. Elle m’a demandé de quel village j’étais dans la Menoua. Je lui ai répondu que j’étais un Bafou et de surcroit un oncle du Chef, car le père de sa Maman est notre Têh-Nkap. Elle m’a demandé le nom de ma femme. Je lui ai dit Mme Fouégué née Mejojo Catherine. Elle m’a dit qu’elle était sa belle-sœur car son frère Tsobgny Gwanlong Jean avait épousé Thérèse, la petite sœur de ma femme. Je suis allé avec elle voir le Chef dans sa Chambre. Il sortait petit à petit du coma.

Le lendemain quand je suis revenu le voir, il avait bien repris connaissance. Lorsque je lui ai dit que j’avais appris que le Sultan Roi des Bamoun, Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya  était venu pleurer à son chevet à Yaoundé, il m’a dit de chercher un stylo pour noter le numéro de téléphone du sultan afin de l’appeler dès que j’arrive à la maison. Ce qui m’a le plus réjoui le cœur c’est qu’il m’a donné ce numéro de mémoire, lui qui venait de sortir du coma. Dès que je suis arrivé à la maison, j’ai composé le numéro et le Sultan a décroché. C’était sa ligne directe. Je lui ai dit que j’appelais de la part du Chef Supérieur Bafou. Tout de suite, il m’a demandé comment il allait ? Je lui ai dit qu’il allait un peu bien et qu’il m’a donné son numéro de tête. Le Sultan était très heureux. Notre Roi a fait de même pour les numéros de téléphone des personnes pouvant se trouver en ce moment à la chefferie. Ainsi, gloire soit rendue au Bon Dieu, il n’avait rien perdu de sa mémoire.

Un autre événement marquant fut mon entretien avec le Professeur (médecin traitant) qui lui avait réopéré la tête quand il est arrivé en France. Lors de notre entretien pour faire le point hebdomadaire sur son état, ce professeur m’a dit : «Je pars d’ici quelques années à la retraite. Je n’ai jamais vu un cas comme celui de votre Chef. Qu’est ce qui l’a maintenu en vie depuis le Cameroun jusqu’à Paris ? » Je lui ai répondu que Dieu qui a créé ce chef voulait à travers cet accident montrer au peuple Bafou et même au-delà qu’il était bien à sa place et qu’il n’a pas usurpé ce trône. Qu’à travers lui le peuple Bafou doit se réconcilier et s’unir pour bien développer le grand royaume Bafou.

Après deux mois d’hospitalisation, il est sorti et a décidé de venir habiter avec ma famille à Villepinte. Ce séjour fut le plus dur à gérer, car tout le monde voulait lui rendre visite. Tous les chefs Bamiléké de passage à Paris venaient le voir. Je me rappelle un jour à 5 heures du matin quand le feu chef supérieur Foto, Sa Majesté Momo Jean-Claude, m’a appelé de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle pour dire qu’il voulait venir voir le Chef Bafou avant d’aller à son Hôtel. Je lui ai dit de faire le contraire; d’aller d’abord à son hôtel avant de venir le temps qu’on se réveille et qu’on prépare le petit  déjeuner. Il m’a répondu : « Non, je ne peux pas arriver en France et attendre une minute avant de voir notre Miraculé ». 15 minutes après, il frappait à la porte. Je suis descendu l’installer au salon. Quelques temps après, le Chef est descendu de sa chambre. Ils se sont embrassés longuement et le Chef Foto était très heureux de le voir debout et en forme. 

Lors de son retour, quand j’ai sollicité les ressortissants Menoua pour acheter sa voiture rouge, ils se sont levés comme un seul peuple pour cotiser et nous avons organisé une messe d’action de grâce et une grande fête pour lui remettre sa voiture et lui dire au revoir.

Comme mot de conclusion, je dirai ceci : Dieu aime beaucoup Bafou. Il nous montre tout le temps qu’il est avec nous. Comme il est dit dans le chant patriotique Bafou, notre Chef Supérieur Jean Ngouadjeu, son grand-père, s’est sacrifié pour son peuple, comme Jésus-Christ s’est sacrifié pour nous réconcilier avec Dieu. Bafou a eu le plus grand serviteur de Dieu, un surdoué en la personne de Monseigneur Ndongmo Albert. Dieu par sa puissante Main nous a gardé notre Roi en vie afin qu’il développe et réconcilie son peuple. En 20 ans, nous tous avons vu la Main bénie de Dieu sur lui. Tout ce qu’il touche réussit…

Longue vie à Sa Majesté le Roi des Bafou.

Paris, le 04 juin 2014

(é) Fouegue Pierre-Marie, Fo’o Men-Kem Noubong. »

F    Témoignage 2 : Mêfo’o Noudem Fouegué Catherine

« Au mois de mars 1995, lorsque nous avons appris que sa Majesté le Chef Supérieur Bafou a été victime d’une agression à la Chefferie même et qu’il était dans le coma, nous étions terrifiés… On avait encore en mémoire la mort tragique de son grand père le Chef Supérieur Fo’o Ndong Ngouadjeu Jean. Quelques jours plus tard, nous apprenions que notre Roi était évacué à la Pitié Salpetrière de Paris.

Je n’avais jamais vu notre Roi et par conséquent je ne le connaissais pas. Mon mari, Mr Fouégué Pierre Marie, (Men Kem Noubong), avait été contacté par l’honorable Mefo’o Nkongla’a Foning et ils se sont rencontrés… A la suite, il m’a appris que mon nom figurait parmi les personnes autorisées à rendre visite à sa Majesté le Chef Supérieur Fo’o Ndong Victor Kana III.

C’était pour moi un honneur et un privilège de pouvoir voir ou apercevoir seulement sa Majesté !!! Le lendemain, je me suis rendue à l’Hôpital, et ce 1er jour de visite était déterminant pour la suite ! En effet, après une vérification minutieuse de mon identité (car la chambre de sa Majesté était  sérieusement sécurisée), je suis rentrée dans la pièce où je découvre un homme de grande stature, allongé, avec des bandages sur toute la tête, les mains et les doigts,  une coque couvrait une partie de l’œil droit, par-dessus le pansement. On devinait à peine les contours du visage.

J’ai remarqué sur la table, 3 assiettes de mets non entamés en plus de celui de l’hôpital également intact. Sa Majesté n’avait goûté à aucun de ces plats. Après la révérence, J’ai osé lui proposer de lui faire à manger. « Qu’as-tu préparé ? » m’a-t-il demandé. Des légumes et de la semoule, il a acquiescé de la tête : vous imaginez ma joie d’avoir l’honneur de faire manger notre illustre Roi. C’était là une occasion en or ! Je l’ai saisie !

C’est alors que j’ai demandé et obtenu de mon employeur une mi-temps pour consacrer tous mes après-midi à sa Majesté pendant tout son séjour à l’hôpital. Un jour, le Chef Supérieur a voulu me connaître un peu plus. Il m’a demandé mon identité complète et a décidé de m’appeler Cathy. Il a voulu savoir où j’habitais : « Villepinte Majesté », ai-je répondu.

Je vous relate une anecdote pour illustrer ce témoignage : un jour, il a réussi à déjouer la sécurité pourtant maximale chargée de le surveiller. Il s’est retrouvé à la station de métro « St Marcel » devant une carte de métro qu’il scrutait, debout, en uniforme de malade de l’hôpital. Un voyageur s’arrête et lui demande où il voudrait se rendre : « indiquez-moi comment aller à Villepinte », lui répond le Chef. Le voyageur lui explique qu’il faut d’abord aller se changer, puis il l’a ramené au service de chirurgie où il était hospitalisé et l’a remis à la surveillante. C’est alors que  la surveillante a signalé cet incident à son médecin traitant qui a compris qu’il s’ennuyait déjà entre les quatre murs de l’hôpital. Ensemble, ils ont décidé de le mettre en hôpital de jour les week-ends. Son Chirurgien lui a fait une autorisation de sortie dans la famille Fouegué à Villepinte. Seul bémol : je ne suis au courant de rien, mon époux Mr Fouegué non plus.

C’est lorsque j’arrive le samedi après-midi que sa Majesté me tend l’autorisation en disant : « je rentre avec toi tout de suite !!! » Subjuguée par l’émotion, je n’ai d’abord rien compris… et il a répété la même phrase en ajoutant qu’il mangerait en arrivant à la maison…Je transpirais et bégayais et finalement j’ai obtempéré. J’ai descendu la valise et le panier dans la voiture. Une fois que j’ai eu installé le Chef Supérieur, j’ai pris le volant, mais je ne vous dirais jamais comment j’ai pu conduire jusqu’à Villepinte ni dans quel état d’esprit j’étais.

Voilà comment Sa Majesté le Roi des Bafou s’est retrouvé à Villepinte et n’en est plus jamais reparti, malgré toutes les propositions les plus alléchantes qui fusaient de partout pour l’héberger. Une fois arrivés à la maison, le Cameroun par la voix du responsable du comité de suivi de la santé du Chef baptisé « Opération sauvetage », le Chef Fo’o Lashuih Djouaka Henri appelle l’hôpital qui répond que sa Majesté n’est pas là et qu’il serait parti en week-end chez un de ses sujets. C’est la panique ! Où est passé le Chef Supérieur ? Il faut le ramener rapidement ! Le Chef ne peut aller chez aucun individu ! Martèle-t-il !  Renseignement pris, il appelle à la maison et je décroche et me fais taper sur les doigts. Il m’a avancé des menaces de toutes sortes avec en prime celle d’être traduite devant le tribunal traditionnel pour avoir enlevé sa majesté sans autorisation… Je tremblais comme une feuille lorsque sa Majesté elle-même me demande de lui passer le combiné. C’est lui-même qui rassure le responsable du Comité, lève l’équivoque et me sauve ainsi d’une situation pour le moins délicate.

Dès lors, Villepinte est devenu le lieu de pèlerinage. Toutes les personnalités et les curieux qui avaient une autorisation se retrouvaient à Villepinte les week-ends et jours de fêtes. La vie au quotidien de sa Majesté était rythmée par ces visites de personnalités, célébrités et dignitaires de passage à Paris. A la maison, sa Majesté nous facilitait la tâche au maximum et m’indiquait ce qu’il fallait faire puisque j’ignorais tout des rites ou pratiques traditionnels.

Puis est venu le jour « J » où mon mari et moi devions constituer la délégation pour raccompagner Sa Majesté à Bafou. Nous l’avons ramené avec tous les honneurs vers sa Communauté Bafou qui l’avait soutenu à distance jusqu’à sa guérison complète et qui allait ainsi reprendre le relais.

En 2007, sa Majesté le Roi des Bafou m’a élevée au rang des « Ma’a », digne titre que j’ai reçu de l’organe vocal de Ma’a Meffo Ndong, son illustre maman. Je suis devenue Meffo Noundem Catherine. Pendant les funérailles de mes parents, le Roi des Bafou en personne a sollicité la présence des hauts dignitaires Bafou dont sa Majesté Fo’o Nkong-zem, Fo’o La’shuih et j’en passe … et surtout la présence de la Reine-Mère Ma’a Meffo Ndong accompagnées des reines de Sa Majesté  pour honorer la mémoire de mes parents. J’adresse ici à sa Majesté le Roi des Bafou mon éternelle gratitude. »

Paris, le 06 juin 2014

(é) Meffo Noundem Fouegue Cathy » 

D.)-En guise de conclusion : Les leçons de la tentative d’assassinat du 27 mars 1995

Le Comité National de Suivi de la santé du Chef n’a pas manqué de témoigner sa sympathie en assistant la famille de papa Janvier Fotem, ce brave Bafou, serviteur du Chef (Tchoh’ fo’o) à qui Piah-N’ôh avait asséné plusieurs coups de machette après ceux assénés à notre Roi, victime de son devoir et qui avait succombé de ses blessures quelques heures plus tard à l’hôpital de district de Dschang.

Le Comité s’est également penché sur le cas de Dr Tétio Kagho Fidèle, Enseignant à l’Université de Dschang, lui aussi agressé à la machette à son domicile par un de ses collaborateurs au mois d’août 1995. Malgré toutes les tentatives des médecins, ce brave Bafou n’a pas survécu à ses blessures et une forte délégation du C.N.S. a pris part à ses obsèques.

Nous pouvons dire que l’acte barbare de Piah-N’ôh a davantage rapproché le monarque de son peuple qui s’est levé comme un seul homme pour le sauver et le garder désormais comme un œuf à la délicatesse avérée. Ce peuple a eu à le prouver à maintes occasions, à l’instar de l’accélération des travaux de construction du palais, de l’achat d’une voiture pour le chef, de l’entretien de la chefferie supérieure à travers l’opération « Plantain du Chef » ou opération « solidarité à la chefferie ». Les funérailles du feu chef Dr Kana Paul ont également été une occasion de mobilisation du peuple Bafou autour de son Roi. Cette liste, loin d’être exhaustive, pourrait être complétée à travers les bilans financiers des différentes éditions du festival culturel Bafou dénommé « Lemoû ».

Depuis son séjour parisien, le Chef Supérieur encore convalescent avait pris la peine d’écrire individuellement à certains membres de l’élite Bafou pour apprécier ce qui avait été fait pour le sauver et inviter chacun à ne pas se décourager car avec l’insécurité qui a failli lui coûter la vie, il fallait qu’on accélère les travaux de la construction du Palais royal afin que pareille situation ne soit plus possible. Il avait dit en substance que, « Quand le plantain va deux fois au feu, il se brûle ». 

L’appel du chef supérieur contenu dans sa lettre du 18 décembre 1995 rédigée depuis Paris venait en écho à ce que Fo’o Nkong-Ni Dr Fogui Jean Pierre avait dit à Yaoundé le 18 avril 1995 dans le cadre de la réflexion intitulée « Les leçons du coup du 27 mars 1995 ». Pour cet universitaire doublé d’un chef traditionnel, Piah-N’ôh n’est pas mort. Il sommeille en chacun d’entre nous quand nous ne nous aimons pas et nous jalousons réciproquement. Citant le penseur français F. Desnoyers, il a dit : « il y a des morts qu’il faut tuer ». Les Bafou doivent apprendre à s’aimer, à se supporter, à se pardonner et à vivre comme des gens qui, embarqués dans un même navire, ont un destin commun. Ils doivent en conséquence tuer le démon de l’orgueil, de l’autosuffisance, de l’égoïsme, de l’envie, de la division, de la méchanceté, du mépris et de la jalousie caractérisant Piah-N’ôh et qui sommeille en eux. Il faudrait dès à présent se demander quel Bafou doit retrouver le chef supérieur à son retour d’Europe. Un chef tout neuf devrait retrouver un palais tout neuf et un peuple qui a lui aussi muté pour devenir tout neuf.

L’appel du chef et celui de Fo’o Nkong-Ni sont bien compréhensibles quand nous savons qu’au 25 novembre 1995, le devis établi par la mission de contrôle du chantier pour achever les travaux du palais royal était de 38.845.343 francs. Uni, on est fort, désuni, on est faible !

Comment ne pas reconnaître et souligner à double trait l’intervention personnelle du Chef de l’Etat, S.E. Paul Biya, dans le sauvetage de notre Roi ??? L’évacuation sanitaire par avion médicalisée d’Europ-Assistance de Yaoundé vers l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris a été décidée par le Président de la République en personne. Comme réponse du berger à la bergère, il n’est un secret pour personne que sa Majesté Fo’o-Ndong Victor Kana III en matière politique, suit la voie tracée par Ma’ah Mèfo’o Nkong-Lah Foning Françoise et est un fervent militant du RDPC. Il est d’ailleurs Conseiller Municipal de la Commune de Nkong-Zem sous la bannière de ce parti. Le monarque Bafou ne peut pas être accusé de tiédeur vis-à-vis du parti au pouvoir et son engagement derrière le parti des flammes n’a pour commune mesure que sa reconnaissance et sa gratitude pour ce que le Président de la République avait décidé pour l’arracher à une mort certaine. Tous les Bafou de bonne volonté, toutes chapelles politiques confondues, qui l’accompagnent dans ses projets et actions pour la grandeur de Bafou le savent et ne lui en tiennent pas rigueur.

Pia'a Noh

MOHO-Lekouet Donkeng Cosmas

Janvier 2022 à Baleng (Bafou)

Publi-Reportage


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